Le deuil de l'animal : comment s'y préparer ?
La vie de nos animaux familiers est toujours trop courte.
Selon sa taille, un chien peut vivre en moyenne 10 à 17 ans, un chat 16 à 18 ans.
Le perdre peut être une épreuve douloureuse et difficile à supporter.
A l’annonce de la mort de leur compagnon, nombre d’entre nous se demandent comment désormais vivre sans lui.
Que l’animal très aimé qui a partagé nos joies et nos peines arrive en fin de vie et s’éteigne doucement ou qu’il meurt brutalement d’une maladie foudroyante, empoisonné ou renversé par une voiture, c’est toujours un immense chagrin et l’heure de pleurer. Dans le premier cas, les maîtres ont pu se préparer à cette échéance. Ils savent que la mort fait partie du cycle de la vie et connaissent bien la trop courte espérance de vie de leur compagnon. Par contre si la mort est violente, inattendue, que l’animal est très jeune, alors cette disparition est encore plus insupportable et éveille une grande colère, voire le refus de croire à ce qui vient d’arriver. Les morts qui nous semblent prématurées sont tout particulièrement bouleversantes et la brutalité d’un décès accidentel n’offre pas la préparation au deuil. Pour un animal qui arrive en fin de vie ou dans la dernière phase d’une maladie mortelle, qui souffre trop, se replie sur lui, perd conscience, ne mange plus, les maîtres se posent la question de l’euthanasie pour lui éviter la pire des agonies et couper court à des douleurs insupportables. Décider que la vie de notre compagnon doit s’arrêter là est une des résolutions les plus difficiles à prendre. Comment déterminer le degré de souffrance de l’animal à partir duquel il ne sera pas charitable de le maintenir en vie si ce n’est juste pour différer notre douleur de le perdre ? Nous avons envie de dire à tous ceux qui sont ou seront un jour confrontés à cette terrible échéance qu’il s’agira de percevoir avec le plus d’honnêteté possible le moment où la souffrance et la détresse auront gagné sur le plaisir de vivre de l’animal. Les pertes de l’appétit, des capacités motrices et de l’intérêt pour l’entourage, l’incontinence massive, les plaintes et gémissements étant quelques-uns des signes évidents de cette détresse. Avec l’avis de son vétérinaire et mis devant l’évidence, on peut alors, avec le praticien, prendre la lourde décision de lui faire administrer une injection pour «une mort douce». Pour ceux qui le souhaitent et peuvent le supporter, il est recommandé d’accompagner courageusement son animal jusqu’au bout. Certaines personnes derrière cette épreuve gardent ainsi le réconfort de ne pas s’être détournées et d’avoir jusqu’au dernier instant assisté dignement leur compagnon. Se pose alors une dernière question : que faire du corps de l’animal ? Plusieurs solutions sont possibles : Chacun choisira selon sa sensibilité mais un cérémonial comme enterrer ou faire incinérer l’animal mort peut aider beaucoup le travail du deuil. Se renseigner d’avance et parler de ces dernières dispositions à prendre peut faciliter les choses le moment venu quand on se trouve trop écrasé de chagrin. Les effets du deuil et sa chronologie sont trop peu souvent évoqués. Notre société d’aujourd’hui, plutôt portée à allonger la vie, préfère ne pas parler de la mort. Pourtant, le deuil qui est à la fois état et conséquences de la perte d’un être cher est un phénomène normal. Il n’est pas fou d’avoir du chagrin à la perte de l’animal avec qui on a parfois passé 15 ans d’une vie. C’est même notre dernière expression d’amour pour lui et mieux vaut éviter en cette période les personnes qui ne le comprendraient pas. Il est au contraire réconfortant de pouvoir exprimer son chagrin auprès de sa famille ou d’amis qui peuvent le recevoir. Celui qui peut parler, dire son émotion et pleurer avec les siens est favorisé. Il est important de ne pas se sentir critiqué dans sa douleur mais d’être compris et respecté. La meilleure aide pour un endeuillé vient de personnes proches aimant elles aussi les animaux ; patientes, indulgentes et sachant simplement écouter sans rien vouloir empêcher de la douleur et des larmes de l’autre. Tout le monde ne réagit pas de la même manière et certaines personnes auront plus ou moins besoin de contacts ou d’intimité. Le deuil se caractérise par l’humeur dépressive, la perte de l’intérêt pour le monde extérieur, la culpabilité et peut conduire à une dépression grave. Mais attention à ne pas prendre toutes ces manifestations normales du deuil pour un état pathologique. À la perte d’un animal très aimé, le chagrin est inéluctable et naturel. C’est l’absence d’affliction qui peut être anormale et doit être repérée par les proches. Le maître endeuillé peut aussi nier cette mort et faire comme si l’animal était encore là, or non-dit et refus de la mort diffèrent ou bloquent le deuil. Le déroulement normal du deuil passe successivement par différentes phases : Tel maître se sent coupable de n’avoir pas repéré plus tôt les premiers signes de la maladie et n’avoir pas conduit son chien ou son chat de suite chez le vétérinaire ; tel autre de n’avoir pas prévu le danger qui guettait son compagnon. S’en prenant à la terre entière «pourquoi est-ce mon chien qui est mort ?». D’autres enragent aussi de la négligence d’un tiers qui a mal refermé le portail du jardin, contre le chauffard qui a renversé leur animal ou le maître de ce chien qui a brisé la colonne de son chat. Certains rendent responsable le vétérinaire de n’avoir pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour sauver leur animal. Même celui qui a pu se préparer à son deuil n’échappe pas à cette phase qui peut être moins violente mais plus insidieuse et jeter parfois davantage dans la torpeur. Des rêves surviennent, on voit le chien, le chat encore vivant, puis il s’éloigne, s’estompe, s’efface… Ce parcours achemine vers la finalisation du deuil qui laisse enfin la possibilité de reprendre goût à la vie. Ces différentes phases ne sont normalement que passagères et c’est par contre si le maître s’enferme dans l’une d’elles qu’il ne peut terminer son travail de deuil et sombrer dans la dépression. Pour comprendre et accepter, les enfants ont besoin de connaître la vérité. Selon leur âge, la nature et la force du lien qui les unissait à leur compagnon, ils peuvent être plus ou moins troublés ou affectés par sa perte. La mort est perçue différemment selon les âges : Présenter franchement les faits douloureux ainsi que proposer à l’enfant de voir l’animal mort s’il le souhaite n’est pas choquant pour lui comme beaucoup le croient habituellement. Cela le conduit au contraire à l’acceptation de l’irréversible de cette perte. De même que l’adulte, il sera aidé dans son travail de deuil s’il peut ensuite fleurir la tombe de son animal ou savoir où sont ses cendres. L’enfant qui perd son petit compagnon adoré voit sa souffrance majorée si les parents font silence sur l’évènement et ne veulent pas lui laisser vivre la réalité des choses. Le sentiment de solitude et d’abandon qui pourrait en résulter ne ferait que le bloquer dans ce passage pourtant obligé par la souffrance qui lui permettrait de rompre progressivement les liens avec l’animal perdu. L’enfant qui éprouve de l’angoisse face à la mort sera rassuré si vous lui dites que toutes les maladies ou les blessures n’y mènent pas forcément. Lui dire que l’on a volé son chat ou son chien ou bien qu’il est parti ne le ferait que développer des scénarii faux et angoissants du genre «Il est parti parce que je l’ai disputé, est-ce qu’il va revenir ?». Il pourrait se sentir trahi le jour où inévitablement il apprendra la vérité. Parce que l’on ne peut jamais soustraire ses enfants aux épreuves de la vie, il ne sert à rien de vouloir les abriter de la mort de leur animal chéri. Cette tentative de se protéger soi-même les empêche de grandir et de se préparer sainement à la vie et aux pertes inévitables qui la jalonnent. Il est donc capital que l’enfant puisse dire sa peine à ses parents, extérioriser ses émotions et se sentir accompagné dans son chagrin. Il peut le faire d’autant mieux que les adultes eux-mêmes ne dissimulent pas leur propre peine en lui montrant ainsi qu’il est normal de l’exprimer. Plusieurs animaux qui cohabitent tissent entre eux des liens d’attachement. Lorsque l’un d’eux décède, l’autre le cherche et ressent un vide. Il perçoit aussi la détresse de son maître qui le délaisse un peu. Dans son chagrin, il ne faut pas oublier celui qui reste et s’efforcer de lui consacrer du temps et lui garder ses habitudes. Faute d’attention, certains petits compagnons de longue date dépriment ou même se laissent mourir à la suite de la disparition de leur «copain». Sans ce nécessaire travail naturel du deuil, aucune relation nouvelle avec un autre ne pourra se nouer sainement. Se précipiter de manière prématurée pour reprendre un compagnon fait partie de ces vaines tentatives d’échapper à l’incontournable souffrance du deuil qui ne manquera pas de ressurgir un jour dans un moment et des circonstances inattendus. C’est également exposer douloureusement «l’animal de remplacement» à des comparaisons sûrement pas toujours à son avantage par rapport au mort idéalisé. Ce malheureux «remplaçant» risque fort d’en souffrir, toujours perdant dans cette sorte de compétition inégale. Nié dans ses qualités propres et sa singularité, le nouveau chien ou chat souvent choisi de même race et de même couleur, n’étant là que pour masquer la perte du précédent. Jamais ce chien ne pourra dominer, se soumettre, se hiérarchiser, s’enfuir ou se cacher, éprouver un code clair de comportement avec ce maître-là parce qu’il est à la fois appelé et chassé, attendri et angoissé. Il ne pourra participer à aucun rituel d’interaction cohérent puisque dans l’esprit de son maître "il a été mis là pour" évoquer le disparu et souffrir de la comparaison. Boris Cyrulnik (l’ensorcellement du monde, éd. O. Jacob pages 132 à 141) y expose très bien le drame du «chien de remplacement» toujours victime de troubles du comportement. Tout animal chéri disparu est irremplaçable. Celui qui lui succèdera pour continuer avec vous un bout du chemin de la vie se montrera capable de vous apporter aussi du bonheur si, après votre deuil, vous savez l’accueillir pour lui-même.